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lundi 1 juillet 2024
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Nicolas Chanavat : « L’apport des JO ? Moi, j’y crois » 

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Il sera l’un des derniers porteurs de la flamme samedi à Saint-Etienne. De retour sur ses terres d’origine à la rentrée, l’universitaire Nicolas Chanavat est vice-président de l’Académie nationale olympique française à Paris et directeur du Cerouen à l’université de Rouen où il enseignait jusque-là. Il argue d’un événement dont les aspects positifs sociétaux surpassent, à ses yeux, nettement les aspects négatifs. Entretien à la veille du passage de la flamme dans la Loire.

De par son expertise scientifique, l’enseignant-chercheur stéphanois Nicolas Chanavat a été impliqué en tant que conseil dans ces jeux. ©Université de Rouen Normandie

Nicolas Chanavat, vous êtes universitaire, stéphanois d’origine et porteur de la flamme samedi à Saint-Etienne. Décrivez-nous votre parcours.

« Je suis né en 1980 à Saint-Etienne, à la fameuse clinique Michelet, comme tant d’autres ! Et comme tant d’autres encore, d’abord passé par l’université Jean-Monnet où j’ai suivi l’IUT « tech de co » et une licence en sciences de gestion effectuée en alternance à l’ASSE, autour du droit social et du travail. La singularité de mon parcours d’enseignant chercheur universitaire réside dans le terrain. J’ai en effet, par la suite, travaillé avec la Fifa sur la Coupe des Confédérations 2003 (5 matchs avaient lieu à Geoffroy-Guichard, Ndlr), et continué à me forger une expertise dans l’organisation de grands événements sportifs via un programme européen autour des JO de Turin. 10 ans plus tard, encore avec un accompagnement scientifique de l’Euro 2016. Entre temps, j’ai réalisé un doctorat sur le sponsoring sportif entre les universités Lyon I et de Loughborough (Royaume-Uni). Au sein de l’université Paris Saclay, j’ai été maitre de conférences autour du Management du sport puis chargé de mission « Olympisme et Jeux Olympiques » à partir de 2016. Avant de passer professeur des Universités à l’Université Rouen Normandie depuis 2019 où je dirigeais le Master Management du Sport. A la rentrée, pour des considérations purement personnelles, je serai de retour à Saint-Etienne en tant que professeur des universitaires à l’IUT de Jean-Monnet là même où j’ai étudié. »

Un retour qui a pour « prologue » la flamme olympique samedi à Saint-Etienne, avec l’un des derniers relais avant de la passer à Jean-Michel Larqué pour qu’il allume le chaudron. Vous devez votre « sélection » du fait de vos activités depuis plusieurs années autour de l’olympisme en France…

« Effectivement, étant impliqué dans une collaboration avec le comité d’organisation Paris 2024 en tant que membre du conseil scientifique et via une mission du ministère de l’Enseignement supérieur pour contribuer à faire rayonner les Jeux. J’ai intégré l’Académie nationale olympique française dont je suis aujourd’hui le vice-président. J’y suis plus particulièrement responsable de son pôle de recherche scientifique, le centre d’études olympiques français (CEOF). On retrouve dans de nombreux pays ces académies nationales (depuis 1994 en France, Ndlr), sous statut associatif, visant à promouvoir la culture, l’éducation et les connaissances autour de l’olympisme, notion qui dépasse le seul événement sportif. D’autre part, j’ai fondé à l’université de Rouen le Centre d’études et de recherches olympiques de l’Université de Rouen Normandie (CEROUEN) qui a officiellement été reconnu en août 2023 par le Centre d’études olympiques du Comité international olympique (CIO). »

Quelle est sa raison d’être ?

« Fédérer des énergies, des auteurs, enseignants-chercheurs autour de projets liés à l’olympisme et au paralympisme. A travers des conférences, la réalisation d’ouvrages, d’études de recherche consacrés à la bonne gouvernance, au management, l’éthique des organisations sportives. Nous obtenons régulièrement des allocations de recherche pour des doctorants. Par exemple, une actuellement d’actualité, ouverte pour cerner le devenir de la motivation, de l’engagement des 45 000 volontaires des JOP de Paris : dans quelle mesure leur investissement peut aller au-delà de l’événement et profiter à l’ensemble du sport français ? Des vues d’ensemble nécessaires pour pérenniser le souffle de l’esprit olympique en France à l’occasion de Paris 2024. Rappelons que le CIO fédère 206 pays, c’est-à-dire plus que l’ONU, autour d’une charte portant ses trois valeurs officielles : « amitié », « respect », « excellence », doublées désormais de celles paralympiques : « détermination », « égalité », « inspiration », « courage ». »

« Il faut prendre du recul »

Nicolas Chanavat : « Il faut retenir qu’environ 90 % des revenus seront, in fine, reversés à la pratique sportive, à des athlètes et des clubs sportifs ». ©Université de Rouen Normandie

Les Jeux sont perçus par beaucoup comme ayant dérivé vers un vaste et juteux business éloigné de ces valeurs, profitant à quelques-uns. Pouvez-vous expliquer comment fonctionne le CIO, le Comité international olympique, et où va l’argent capté par les JOP ?

« Créé par le Français Pierre de Coubertin, le CIO est une entité relevant du droit suisse, basée à Lausanne, de droit privé mais sous statut associatif et à but non lucratif. Chaque pays adhérent compte lui-même un comité national olympique et ses déclinaisons locales (comités régionaux puis départementaux en France, Ndlr). Le fonctionnement peut ne pas paraître très simple de l’extérieur. Côté argent, le JO de Paris, ce sont effectivement 5 milliards de revenus à 75 % apportés par les droits télés et à 20 % par les 63 sponsors temporaires liés à l’édition (le CIO compte 14 sponsors permanents, Ndlr) mais il faut retenir qu’environ 90 % de ces revenus seront, in fine, reversés à la pratique sportive, à des athlètes et des clubs sportifs, souvent très modestes, le reste servant, oui, à faire « tourner » une institution d’échelle internationale. Mais pour l’essentiel donc, c’est ce qui va financer – par exemple – la formation dispensée par tel comité local français à tel club de telle commune et de telle discipline. »

Sans même parler des très graves accusations* portées régulièrement sur le CIO, le suivi de l’organisation à notre échelle locale accouche du constat d’une communication verrouillée, pour ne pas dire confisquée jusqu’à l’absurde, d’une attitude plus que tatillonne avec les collectivités, voire de simples écoliers, comme ces cas de dessins demandés pour le passage de la flamme recalés parce qu’ils représentaient les anneaux… N’est-on pas là très, très loin des valeurs citées plus haut ?

« On parle d’une immense machine avec donc certes, peut-être des défauts. Pour ce qui est des cas locaux auxquels vous faites allusion, je ne les connais pas et je ne peux donc pas les commenter. Reste que l’apport des JO, moi, sincèrement, j’y crois. Au-delà des tracasseries, il faut prendre du recul. Je suis convaincu que la cohésion sociale qu’apportent ces jeux n’est pas une gageure. Il faut bien avoir en tête qu’un certain nombre de difficultés, de limites, de complications sont aussi liées, justement, à une démarche d’ouverture proactive très marquée, inédite même, via cette édition. C’est la première fois que le parcours de la flamme prend cette ampleur, dans autant de territoires avec pas moins de 10 000 relais, que les Jeux se déconcentrent autant depuis l’épicentre, Paris (épreuves aussi à Lyon, Nantes, Marseille, Bordeaux, Lille, Tahiti et donc Saint-Etienne, Ndlr). C’est la première fois encore que l’on parle nettement des « JOP », jeux olympiques et paralympiques, qu’il y a une parité de représentation entre le nombre d’athlètes masculins et féminins. On peut ajouter à cet aspect innovant – y compris au niveau des disciplines avec le breakdance – une dimension culturelle, sociétale poussée. Pour moi, c’est du positif qu’il faut retenir avant tout.» 

* Des articles et ouvrages d’investigation à ce sujet s’en font régulièrement l’écho, comme récemment l’ouvrage de Romain Molina, lui-même parfois accusé de complotisme, à propos de l’édition 2024 de Paris : Le livre noir des Jeux olympiques.

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