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Conseil municipal de Saint-Etienne : une affaire, une irruption, un marasme

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Ce mardi 30 mai 2023, avant de lancer l’ordre du jour prévu, le début de la séance a été fatalement l’objet de vifs échanges entre opposition et Gaël Perdriau. Il s’agissait du premier conseil municipal de Saint-Etienne depuis les mises en examen début avril liées à l’affaire de chantage : l’opposition a donc réitéré auprès du maire ses demandes de démission et aussi, proposé via Saint-Etienne Demain, d’organiser un referendum sur son maintien. En fin de séance, des manifestants sont parvenus à rentrer dans l’Hôtel de ville et faire irruption en pleine assemblée délibérante pour réclamer le départ du maire…

Encore combien de conseils municipaux sous haute tension avant que la Justice prenne une décision ? © If Média/Xavier Alix

Le conseil municipal de Saint-Etienne donne décidément du travail à la police. Si la PJ de Lyon poursuit une enquête au long cours, c’est du maintien de l’ordre, plutôt son rétablissement que la municipalité stéphanoise a dû gérer hier soir. « 70 à 80 personnes masquées et armées de projectiles », selon un comptage de la majorité, issus, apparemment et selon les divers groupes politiques du rassemblement, désormais habituel du Comité Défaite, ont réussi, peu avant 19 h, à rentrer dans l’Hôtel de ville. Avant d’accéder jusqu’aux portes de l’assemblée délibérante, alors en pleine séance. La petite foule a bruyamment scandé la démission de Gaël Perdriau… Pas d’informations sur la défaillance de sécurité qui a permis aux manifestants cette intrusion : « Nous n’en avons aucune idée à ce stade, l’enquête, en cours, le dira », répond la mairie interrogée ce matin. La séance restant, précisons le, accessible au public. Partagé, ce dernier émettait hier encore, soit une hostilité, soit un soutien à Gaël Perdriau lors de ces nouvelles joutes verbales.

Mais il lui faut désormais venir tôt (sinon « avoir ses entrées », avait assuré plus tôt l’opposition, soupçonnant un « tri »…). Après quoi, seuls les élus, agents ou journalistes peuvent rentrer. La police municipale a donc dû faire usage de gaz lacrymogènes pour repousser les manifestants et faire évacuer. Bilan : un ou deux policiers municipaux blessés selon un communiqué dans la soirée puis les dires du maire ce matin sur France Bleu, un hall de mairie dégradé, une plainte déposée par la municipalité et une démocratie représentative locale mise à terre. A qui la faute ? A l’opposition, à l’attitude des élus de gauche en général qui encouragent ces initiatives violentes, au refus d’attendre que la Justice attenante à un Etat de droit donne son verdict, clame Gaël Perdriau. Le maire y voit là une attaque en règle de la démocratie. C’est l’attitude jusqu’au-boutiste de ce dernier, estime, au contraire, ses adversaires politiques, incapable a minima de se retirer, qui a provoqué un autre type de jusqu’au-boutisme.

« Le pas de la violence »

Le communiqué de la majorité, hier soir, dans la foulée de l’événement assénait : « Nous sommes loin du rassemblement festif que certains ont voulu, depuis plusieurs mois, nous vendre. Un mouvement qui s’essoufflait depuis quelques semaines et qui a franchi ce soir le pas de la violence. (…) Nous estimons très grave que les membres de l’opposition qui n’ont pas dénoncé cet acte de violence et anti-démocratique aient par ailleurs justifié celui-ci notamment lors de l’intervention en séance publique, de Monsieur Courbon ». Avant de poursuivre : « Ce type d’agissements est la conséquence directe de déclarations et d’appels comme ceux du conseiller départemental de la Loire, Monsieur Juanico, ancien député, qui encourageait, via ses réseaux sociaux, il y a quelques semaines, à ce type d’interventions violentes et séditieuses : « (…) J’invite les Stéphanois à leur demander directement des comptes à l’occasion des différentes manifestations publiques à venir ». » 

Nous estimons très grave que les membres de l’opposition qui n’ont pas dénoncé cet acte de violence et anti-démocratique aient par ailleurs justifié celui-ci.

La majorité municipale stéphanoise

Pour la majorité, « ceux qui ont semé le trouble et la violence se sont réclamés de la Justice. Or la Justice est rendue au nom du peuple français et non par la foule. La Justice est rendue par des tribunaux judiciaires et non par des tribunaux médiatiques et des réseaux sociaux. La présomption d’innocence, notion centrale dans tous les Etats de droit, est ici méconnue de façon violente, et ce, en se fondant sur des pièces pénales braconnées, là aussi en violation de la loi, dans un dossier pénal actuellement instruit par des juges indépendants. Ne pas laisser le temps à la Justice de se prononcer, c’est, non pas manquer de respect à celui que l’on accuse, mais c’est manquer de respect à la Justice elle-même. » Une réaction étayée, donc, ce matin par le maire lui-même lors d’une longue interview accordée à nos confrères de France Bleu Saint-Etienne Loire.

Une incitation politique ?

Gaël Perdriau y a associé les protagonistes d’hier aux violences post cortèges des mobilisations contre la réforme des retraites, voire au-delà, habituelles depuis le feuilleton Gilets jaunes : « Finalement, on a affaire à la même bande qui les samedis de manifestation pénètre dans les commerces, détruise le mobilier urbain : ce genre de violences est inacceptable. » Nous avons essayé – en vain – de joindre aujourd’hui le collectif Comité Défaite pour avoir son point de vue sur ce qui s’est passé, sur ce qui lui est attribué par ces diverses déclarations et ce à quoi et qui il est ainsi associé. Associant, lui, à nouveau cette intrusion à « l’attitude » de politiques locaux élus de gauche, et de la gauche radicale, identifiés comme un encouragement, le maire a d’ailleurs réaffirmé sur France Bleu que le suppléant de la député LFI Andrée Taurinya, Atmane Dahmani, était parmi les manifestants. Une présence confirmée par un membre de l’opposition présent. Contactée par If, l’attachée parlementaire de cette dernière ni ne confirme, ni n’infirme : « S’il y était, c’était une initiative personnelle et citoyenne. »

Il ne faut pas s’étonner qu’à force, une colère populaire s’exprime, d’une mauvaise manière certes et que nous ne cautionnons pas.

Pierrick Courbon, élu PS d’opposition de Saint-Etienne

Sollicité lui aussi, Régis Juanico se refuse à répondre « aux provocations et calomnies grotesques d’un individu (Gaël Perdriau, Ndlr) mis en examen et en mal de légitimité démocratique qui tente de faire diversion, de surcroît menteur invétéré et récidiviste. Qu’il réserve ses explications aux juges et à sa défense qui s’annonce compliquée. » Quant à Pierrick Courbon, élu PS d’opposition de Saint-Etienne Demain, accusé en particulier par le maire de ne pas dénoncer, voire de justifier dans sa réaction d’hier l’intrusion, il nous a confirmé ce matin par téléphone qu’il considère l’attitude du maire et de sa majorité, leur « politique de l’autruche depuis 8 mois », comme un soufflet agissant en permanence sur des braises déjà bien vives : « Il ne faut pas s’étonner qu’à force, une colère populaire s’exprime, d’une mauvaise manière certes et que nous ne cautionnons pas. On nous accuse de remettre des pièces dans les machines ? Mais quoi : le maire est mis en examen pour chantage et il ne faudrait pas en parler ?! On ne peut pas banaliser comme il le fait. »        

La proposition d’un référendum local refusée

L’élu PS réitère la volonté de son groupe, comme redit en début de séance hier, de voir le maire démissionner « parce qu’il a perdu toute autorité morale ». Il faut sinon, a minima, un retrait. « Mais dès novembre, il a dit qu’il ne le ferait pas, même mis en examen (ce qui rentre en paradoxe avec ses propos en 2017 sur François Fillon et les « cadeaux », affaire sans victime personnelle, comme l’a souligné hier l’opposition, Ndlr). Nous respectons le verdict des urnes, nous ne remettons pas en cause la majorité élue en 2020 et donc la légitimité de son projet. Je dis même que des réalisations sont positives. Nous n’espérons pas des élections, ce n’est pas un objectif politique comme il dit. Nous espérons qu’il soit remplacé par quelqu’un de sa majorité le temps que la Justice passe. » En refusant hier « avec dédain » la proposition de son groupe d’organiser un referendum ou une consultation citoyenne – « ces outils de respiration démocratique entre deux scrutins » – des Stéphanois au sujet de ce maintien, Gaël Perdriau va continuer à attiser les réactions et la montée des extrêmes « de tous bords », estime encore Pierrick Courbon.

Ces évènements, aussi regrettables soient-ils, mettent en évidence l’exaspération de Stéphanoises et de Stéphanois face à l’attitude de déni du maire.

Les élus d’opposition EELV

Les gagnants d’un dégoût de la politique, donc de l’abstention, ajoute-t-il, confirmant à ses yeux, le refus obstiné de comprendre et voir « la colère des Stéphanois ». Chaque camp, hier, arguant de croiser régulièrement des Stéphanois. Inquiets et en colère pour les uns. Sereins et souhaitant que l’on parle d’autre chose selon les autres. Il ne s’agit sans doute pas des mêmes Stéphanois, effectivement… De son côté, le groupe Le Temps de l’Ecologie semble savoir que l’intrusion est due « à une porte ouverte et laissée sans surveillance »… Les élus écologistes condamnent cependant « sans ambiguïté tout recours à la violence et apportent leur soutien aux personnes blessées. (…) Dans ce cas, l’intrusion intempestive, mais sans effraction, n’a jamais laissé place à de la violence physique. Ces évènements, aussi regrettables soient-ils, mettent en évidence l’exaspération de Stéphanoises et de Stéphanois face à l’attitude de déni du maire. » Le Temps de l’Ecologie le redit, comme il l’avait affirmé en début de séance : « L’apaisement passera par la suspension du maire. Son entêtement à s’accrocher à son poste est dangereux pour la ville. L’apaisement est revenu à la métropole après son retrait partiel. »

« Une stature très macronienne »

Ils renvoient à Gaël Perdriau ses compliments d’instrumentaliser le contexte « à des fins politiques. Vouloir faire croire que c’est l’opposition qui demande aux Stéphanoises et Stéphanois de venir manifester, comme le maire l’a affirmé avec force, c’est juste l’expression d’une incompréhension grave de la situation insupportable depuis le 26 août. La tentative de victimisation de M. Perdriau ne doit pas faire oublier qu’il est mis en examen pour chantage. C’est une accusation grave, fruit d’une enquête judiciaire méticuleuse menée par les juges d’instruction depuis plusieurs mois. Les élus municipaux écologistes ne peuvent accepter l’indécence avec laquelle M. Perdriau et ses soutiens s’efforcent d’en minimiser la gravité. Le ras-le-bol exprimé en marge du conseil municipal de ce mardi 30 mai puise sa force dans l’exaspération générée par la révélation de l’affaire ».

Vous n’êtes plus crédible éthiquement et politiquement pour porter et défendre les intérêts des Stéphanois auprès des institutions.

Les élus d’opposition communistes

Les communistes associent, eux la réaction du maire à « une stature très macronienne » dans sa « dénonciation d’un coup de force anti démocratique dont il est pourtant le seul responsable. Depuis le mois d’août 2022, le maire s’est enfermé dans le déni, l’aveuglement et la surdité, refusant toute idée de démission. Devant l’évolution judiciaire du scandale, et comme depuis le début de cette sordide affaire, les élus communistes continuent à demander la démission du maire. Rappelons-le encore : nous ne sommes pas ici pour juger, la justice s’en chargera. Mais nous considérons depuis le début et cela va en s’aggravant, que vous n’êtes plus crédible éthiquement et politiquement pour porter et défendre les intérêts des Stéphanois auprès des institutions. On ne lutte pas contre l’abstention et l’extrême droite avec ce genre de pratiques ». Les élus communistes ont, hier, quitté le conseil avant sa fin.

« Impatient que la Justice parle »

Lui aussi, dit-il est « impatient que la Justice parle », toujours aussi confiant dans le résultat. En conseil municipal comme sur l’antenne de France Bleu, Gaël Perdriau a clamé son innocence et réclamé le respect de la présomption d’innocence. Revenant sur le fait que l’on est passé de « sept chefs d’inculpation ignobles » à un seul – une « insupportable minimisation de la situation » pour l’opposition pour qui « témoin assisté sur les soupçons de détournement de fonds, ce n’est pas rien » – , il a redit que l’on s’est éloigné de la « version originale » : « Celle de quelqu’un drogué et abusé dans le cadre d’une guet-apens relevant du complot politique. L’Histoire décrite par Gilles Rossary-Lenglet est fausse ! Je ne suis ni l’instigateur, ni le bénéficiaire d’une machination. Je pourrais me défendre bien davantage, j’ai les éléments pour. Je ne peux pas le faire publiquement parce que ce serait violer le secret de l’instruction. Ce que je me refuse à faire car contrairement à d’autres, je respecte la loi. Au moment voulu (possible donc, Ndlr), je le ferai. »  

Je pourrais me défendre bien davantage, j’ai les éléments pour. Je ne peux pas le faire publiquement parce que ce serait violer le secret d’instruction. Or, moi, je respecte la loi.

Gaël Perdriau

Allant jusqu’à citer Zola à propos de Dreyfus – « La vérité est en marche, rien ne l’arrêtera » – Gaël Perdriau assure que les extraits d’enregistrements publiés par Mediapart ont été soigneusement choisis, et d’autres, au contraire, tout aussi soigneusement écartés. « Les juges, eux, ont tout », alors on verra… Lionel Boucher, adjoint UDI proche d’Artigues, est sur la même bande son mais avec une bien autre conclusion : « Les juges ont la totalité des enregistrements. Si Gaël Perdriau était innocent, ils auraient déjà classé l’affaire sans suite pour lui. » Ne confondons pas, qui est la victime avérée de tout cela ?, a une énième fois questionné Lionel Boucher tout en fournissant l’évidente réponse : Gilles Artigues et toute sa famille avec. Quel que soit la décision finale de la Justice sur la culpabilité ou non de Gaël Perdriau, on peut déjà en ajouter une autre : Saint-Etienne et toute son agglomération avec…

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