Saint-Étienne
vendredi 5 juillet 2024
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Dans la Loire, la hausse de la participation a trois fois plus profité au RN qu’aux autres formations

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C’est dans l’effet d’une participation en extension historique que résidait principalement la différenciation du verdict des Législatives 2024 vis-à-vis de celui 2022. Elle a effectivement nettement progressé dans les 6 circonscriptions de la Loire. Résultat : par rapport à il y a 2 ans, l’augmentation est d’un peu plus de 43 % de bulletins exprimés dans chacune d’elle. Si la plupart des candidats des grandes alliances ont ainsi progressé dans des proportions analogues, ceux du RN enregistrent dans le département une hausse de leurs votants dans une proportion presque trois fois supérieure à celle de la participation effective… Suffisant pour rafler une grande partie des sièges dimanche ? Malgré deux triangulaires effectives sur cinq potentiels, absolument rien est évident. Analyse.

1986 ! Il faut remonter au milieu des années 1980 pour trouver une participation supérieure dans la Loire aux 69,12 % de votants finalement enregistrés hier dans le département (contre 66,71 % au niveau national). Huit législatures ont depuis eu lieu. Une éternité. Et encore, la participation de 1986, à plus de 75,15 %, avait alors eu lieu dans le cadre d’une parenthèse non rééditée de scrutin proportionnelle à un tour (comme pour les Européennes). Il faut donc remonter carrément à 1978 pour trouver dans une élection législative uninominale majoritaire à deux tours, une participation supérieure au 1er tour : 80,91 %. Retour en 2024 : entre les Européennes le 9 juin, et les Législatives qu’elles ont provoquées trois semaines plus tard, la hausse de la participation parmi les inscrits ligériens (517 195 soit, au passage, près de 800 de moins en 3 semaines au jeu des décès et changements de bureaux) s’élève à plus de 15 points.

En valeur absolue, le nombre de voix exprimées et donc retenues dans le décompte (blanc et nuls déduits) est passé, lui, de 271 325 à 348 683, 77 358 votes de plus en trois semaines. A qui cela a-t-il vraiment profité ? L’exercice de comparaison est complexe dans la mesure où le scrutin européen est très différent : déjà parce qu’il suscite plus facilement la « dispersion » en raison de la myriade de choix proposés. En raison, aussi, d’une expression jusque-là différenciée entre les deux types d’élection mais qui ne semble plus valable cependant pour le RN. Entre les deux scrutins distants de trois semaines, l’extrême droite a progressé de 19 254 voix, passant de 113 199 à 132 453 voix, essentiellement, bien sûr, pour le RN (37,32 % dimanche dans la Loire contre 33 % au niveau national) qui compte pour 130 124 voix dans ce total. Total auquel nous ajoutons logiquement, en vue du 2e tour, les 1 325 voix de Reconquête (en très fort repli par rapport aux Européennes avec seulement 2 candidats dimanche dernier) et d’un autre candidat estampillé extrême droite. Dans le même schéma, le Nouveau Front populaire (26,07 % hier contre 28,5 % au niveau national) atteint 90 902 voix, soit 12 718 de plus qu’aux Européennes si on cumule les voix obtenues le 9 juin par ses quatre futures composantes dans la Loire.

©If Média / JT

La progression RN bien plus forte que celle de la participation

Plus ou moins « Ensemble ! », les trois candidats présents dans la Loire du camp présidentiel, composé de l’alliance Renaissance, MoDem et Horizons ont cumulé 10,28 % des voix exprimées avant hier dans la Loire (contre 22 % à l’échelle du pays), soit 35 828 bulletins valables. En valeur absolue, mais donc avec seulement trois candidats présents sur six possibles, le score effectué dans la Loire est identique à celui des Européennes à 64 voix supplémentaires près ! Spécificité du département comme en 2022 vis-à-vis de la présidentielle, ce sont donc les LR/UDI qui, dans la Loire, ont marqué la plus nette différence – en leur faveur – entre ce vote de dimension d’ordre national qu’étaient les Européennes, et celui localisé (un candidat spécifique à un bassin de vie), bien qu’il désigne des représentants nationaux, des Législatives distantes de quelques semaines. Et là où le vote pour le camp présidentiel dans la Loire aux Européennes était, avec 13,18 %, proche du 14,60 % national aux Européennes, il s’avère, au contraire, très différent aux Législatives dans la Loire vis-à-vis du national : comme indiqué plus haut, plus de deux fois inférieur.

Dimanche, celui des LR/UDI, en revanche, a atteint les 23,09 % (avec 4 candidats présents sur 6 possibles), soit 80 511 bulletins, 59 798 de plus qu’aux Européennes où les alliés avaient capté seulement 7,63 % des votes désignés valables ! En 2022, avec deux candidats de plus, les LR/UDI avaient réalisé un peu moins de 20 % du volume de voix retenues, soit un peu moins de 48 000 voix. Reste que la progression du RN si elle n’est que légère en pourcentages vis-à-vis des Européennes (et même moindre en considérant un bloc extrême droite, ajoutant Reconquête, ayant donné près de 42 % le 9 juin contre 37,7 % dimanche) est indéniablement la plus spectaculaire par rapport aux législatives 2022 à l’échelle du département. Il avait alors réalisé sur l’ensemble de la Loire 19,84 % (4,46 % pour Reconquête, tombé dimanche à 0,31 %, soit 1 081 voix cumulées exprimées) soit 59 092 voix exprimées. Dimanche, le nombre de voix exprimées cumulées par l’extrême droite (quasiment le RN seul cette fois donc) dans la Loire a atteint 131 457, soit + 122 % par rapport à 2022 ! Donnée à comparer à la progression de l’ensemble du nombre de votants Ligériens entre 2022 et 2024 : + 43,3 %...

L’élection d’un ou plusieurs députés RN pas forcément acquise dans la Loire

Il y avait eu, en effet, 243 263 votes exprimés au 1er tour 2022 contre 348 683 en 2024, soit + 105 420 votes retenus par rapport aux précédentes Législatives. Progression non spécifique à la Loire et donnée à retenir pour la présidentielle 2027 où le choix ne sera, là, pas localisé… Pour ce qui du second tour des Législatives, c’est encore une autre paire de manche. Surtout que les deux triangulaires (sur six circonscriptions, cinq étaient possibles hier à l’issue des urnes) de dimanche prochain – l’UDI allié aux LR Eric Le Jaouen a décidé de se maintenir dans la 2e à Saint-Etienne ; et le LFI Ismaël Stevenson dans la 5e (Roannais) aussi – ont une chance assez réduite d’ouvrir la voie à une victoire RN. Malgré cette véritable vague « bleu Marine », il n’est d’ailleurs pas non plus forcément exclu que le RN sorte des urnes dimanche sans députés ligériens. L’une des explications : la résistance prolongée des LR de la Loire, davantage même qu’il y a 2 ans. Dans le département, « débarrassés » de la « concurrence » présidentielle dans 3 cas sur 4, ils contiennent, voire devancent le RN dans ces circonscriptions à la physionomie a priori plus favorable à ce parti selon les canons nationaux car « plus rurale ». Même si ce schéma est à fortement relativiser : par exemple, pour une personne habitant le centre-ville de Roanne, sans parler de la dimension périurbaine très présente.

Dans le nord, la 5e circonscription, celle du Roannais où le camp présidentiel était absent, le sortant LR Antoine Vermorel-Marques réalise même un ballotage nettement favorable avec 41,99 % des voix exprimées, contre 36,09 % pour la candidate RN Sandrine Granger. Il y a 2 ans, les mêmes avaient respectivement réalisé 25,77 % et 19,03 %. Une progression de 7 points chacun, environ, en 2 ans. Le nombre de bulletins valides y a progressé de 40,5 % par rapport à 2022, ceux en faveur du candidat LR de 128,9 % et ceux en faveur du RN de 119,5 % (en lui ajoutant les voix Reconquête 2022). Mais la finale s’y jouera à trois. En raison de la décision de LFI de maintenir son candidat Ismaël Stevenson, 3e dimanche avec 18,35 %, malgré, selon nos informations, l’avis contraire d’au moins une partie de ses alliés locaux du Nouveau Front populaire. Dans la 6e circonscription (Forez), le sortant et président départemental des LR Jean-Pierre Taite sera, lui, seul face au RN dimanche. La candidate LFI du Nouveau Front populaire arrivée 3e est éliminée n’ayant pas obtenu les 12,5 % d’inscrits avant même de parler de se retirer au bénéfice d’un front républicain. Jean-Pierre Taite part, certes avec un retard de près de 12 points avec, au 1er tour, 27,81 % des voix contre 39,71 % obtenus par Grégoire Granger. Ce dernier a vu le nombre de voix exprimées en sa faveur augmenter de… 125,3 % par rapport à 2022 (en ajoutant à la performance RN 2022 là aussi les voix de l’époque alors captées par un Reconquête,devenu insignifiant dimanche) contre + 51,9 % pour le candidat LR (pour globalement, + 41,5 % de voix exprimées dans le Forez par rapport à 2022).

Loin d’être gagné d’avance pour tous les LR aussi

Mais le candidat Horizons envoyé dans la 6e, qui a réalisé 12,45 % des suffrages exprimés avant hier a, lui aussi, été éliminé au 1er tour. Ce n’est donc pas gagné d’avance pour le LR mais la réserve de voix est donc, a priori, plus en faveur de J.-P. Taite qu’au RN. La situation semble plus délicate pour la sortante, LR aussi, Sylvie Bonnet dans la 4e circonscription (Ondaine / Pilat / Haut Forez). Elle a obtenu 30,72 % des voix exprimées hier face aux 40,8 % du candidat Debout la France allié au RN. Pas de présence du camp présidentiel au 1er tour, comme dans la 5e, ni de triangulaire à prévoir pour le 2e puisque Bernard Paemelaere (LFI, Nouveau Front populaire), arrivé troisième avec 26,54 %, s’est retiré conformément à l’appel national de Jean-Luc Mélenchon. Pour être réélue d’ailleurs, Sylvie Bonnet aura crucialement besoin des voix de gauche afin de refaire son retard sur le RN. Ce dernier, via un allié de Debout la France donc, Gerbert Rambaud, y a réalisé l’une des progressions les plus spectaculaires de la Loire en 2 ans passant de 21,62 % à donc + de 40 % des voix exprimées, la hausse en nombre de bulletins retenus est significative : 10 555 en 2022 auquel nous ajoutons les 1 930 faits alors par Reconquête… à 28 753 hier (avec Reconquête cette fois absent), soit + 130 % (!) pour un accroissement de « seulement » 44,32 % du nombre de votes valides sur la circonscription.

Par rapport à il y a 2 ans (c’était alors son actuel suppléant Dino Cinieri), Sylvie Bonnet a parallèlement progressé de 71,8 % (21 649 voix) en nombre de votes, Bernard Paemelaere, lui, pour l’union de la gauche, de 62,5 %. En partant du principe que les centristes et macronistes lui sont « déjà acquis », il semble que seul un vote massif des électeurs de gauche à sa faveur peut permettre à Sylvie Bonnet de conserver son siège. A propos de gauche, les deux premières circonscriptions de la Loire, celles de Saint-Etienne et quelques communes adjacentes, confirment, elles, un ancrage de plus en plus à gauche. Dans la 1ère circonscription, Pierrick Courbon (PS) cette fois en tant que candidat de l’union de la gauche y a devancé largement le RN avec 40,33 % de suffrages exprimés contre 31,97 %, faisant progresser son « camp » (la Nupes ajouté à lui-même en 2022) en valeur absolue de 12 779 à 16 778 voix, + 31 % pour un nombre de bulletins déposés et retenus en hausse de de 44,9 % sur l’ensemble de la circonscription. La performance de la gauche est cependant en recul côté pourcentages : Pierrick Courbon et la Nupes avaient cumulé 44,52 % il y a 2 ans.

La Gauche semble en bonne position dans la 1ère et la 2e

Et là encore, l’avancée de l’extrême droite sur une circonscription où on l’imaginait plutôt limitée pour se développer, est très forte par rapport à 2022 : + 101,31 % de voix exprimées (13 296 obtenues contre, en 2022, 6 603, Reconquête compris) d’ampleur très supérieure donc à l’accroissement des votes valides. Mais il est peu probable toutefois que les 8,5 points de retard soit rattrapable par Marie Simon avec un sortant Renaissance Quentin Bataillon qui a annoncé ce lundi son retrait suivant la demande nationale d’Emmanuel Macron. Le candidat présidentiel a réalisé 23,72 %, soit un pourcentage très proche de 2022 où il avait réalisé 23,5 % (pour 6 746 voix contre 9 864 cette fois-ci, + 43,6 %). Or, l’étiquette PS au sein de l’union de la gauche de Pierrick Courbon devrait – logiquement – convaincre plus facilement une grande partie de ses électeurs de faire barrage au RN au 2e tour.  

Plus favorable à la gauche encore selon les scenarios des dernières élections, la 2e circonscription de Saint-Etienne a vu la sortante LFI Andrée Taurinya arriver largement en tête hier avec 43,02 %. La progression de votes est là presque « digne » du RN : + 76,4 % (13 652 voix) par rapport à 2022 (7 738) alors que la progression du nombre de votes valides n’est, elle « que » de 40,7 %. 3e en 2022 avec 15,34 % des voix, Hervé Breuil (RN) est, hier, arrivé 2e avec 27,13 % des suffrages exprimés à bonne distance du le 3e Eric Le Jaouen (UDI allié aux LR), 23,08 %. Dans les deux derniers cas, la progression relative comme absolue est très notable. Sans concurrence cette fois-ci de Reconquête (1 145 voix en 2022), Hervé Breuil a obtenu hier 8 595 voix, soit + 86,9 % (si, pour mieux comparer, on ajoute les voix de Reconquête en 2022 aux siennes). Sans doute aussi en partie grâce à la non présence du camp présidentiel sur cette circonscription, l’UDI Eric Le Jaouen obtient lui, 7 310 voix, soit 3,8 fois plus que Marie-Camille Rey en 2022 pour les LR et par ailleurs sa suppléante cette fois-ci.

Comme dans la 4e, ce sera serré dans la 3e

Alors que quelques pourcentages de candidats divers centre sont ici « à récupérer » (Martial Mossmann et Quentin Fontvieille), le candidat Centre droit a décidé de se maintenir pour l’une des deux triangulaires dans la Loire dimanche, arguant que le RN ne risque pas de prendre cette circonscription et qu’il faut marquer le refus d’un Jean-Luc Mélenchon Premier ministre… Reste, enfin la 3e circonscription, celle du Gier et de l’Est stéphanois. Le RN y a réalisé via Angelina La Marca son meilleur score dans la Loire : 40,89 %, progressant sur son total absolu de voix de… plus de 129 % par rapport à 2022 en comparant ses voix d’alors ajoutées à celle d’Isabelle Surply pour Reconquête, l’élue d’opposition couramiaude restée délibérément aux vestiaires cette fois-ci. Cela pour un nombre de bulletins valables à l’échelle de toute la circonscription en hausse, lui, de 49 % par rapport à 2022. La 3e est une composition territoriale à la physionomie très variée, relativement proche de la 4e (cumulant les dimensions urbaines, périurbaines, rurales et centre-villes en difficulté).

Or, on peut constater que les scores des Législatives d’hier y ont été très proches aussi tout comme le nombre réduit de « petits » candidats. Le sortant Emmanuel Mandon (Modem) obtient ainsi hier, en tant qu’allié de Renaissance au sein du camp présidentiel, 29,11 % (25,7 % en 2022, alors 1er), suivi d’assez près par Vincent Bony (PC) pour le Nouveau Front populaire, à 27,34 % (23,66 % en 2022, alors 2e). Eux aussi voient les bulletins valides en leur faveur progresser dans l’absolu : respectivement de + 68,8 % et + 72,2 %. Rappelons que les LR n’ont ici envoyé personne, Axel Dugua devenu depuis maire de Saint-Chamond y ayant réalisé pour ce parti tout de même 13,52 % en 2022. A voir où sont parties ses voix, alors qu’il appelle d’ailleurs à les donner à Emmanuel Mandon pour le second tour. De son côté, Vincent Bony ayant immédiatement suivi la ligne nationale de se retirer en tant que 3e des suffrages, Emmanuel Mandon aura, comme Sylvie Bonnet, plus besoin qu’ailleurs des votants de gauche du 1er tour pour battre la candidate RN.

Nos conclusions : face au RN, partout en final dimanche, en très large progression – dans ses scores par rapport à 2022, à un rythme de deux, souvent trois fois plus élevé que la hausse de la participation effective – et en tête dans 3 des 6 circonscriptions, à l’issue de ce premier tour, les LR sont dans une position assez favorable dans la 5e et dans une moindre mesure, malgré le retard, sans doute aussi dans la 6e. Idem pour l’Union de la gauche / Nouveau Front populaire dans les 1ère et 2e stéphanoises et environ. Le RN semble davantage en mesure de l’emporter dans les 4e et 3e mais sans grandes certitudes, en tout cas.  

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